vendredi 16 septembre 2011

La crise (de fou rire) du logement

Mon logement actuel a beau être coquet, il n'en reste pas moins cher : $200 par semaine, même chauffage inclus, ça fait quand même 550 euros par mois, auquel se rajoutent les sous pour payer le Net. Et puis, même après avoir sympathisé un peu avec, mes colocs ne sont clairement pas une motivation suffisante pour rester ici. Je me suis donc lancée le week-end dernier dans la grande aventure que représente le marché immobilier kiwi.

En fait, j'ai principalement chassé le flatmate sur le Grand Réseau Mondial Nommé Internet, notamment sur le site EasyRoommate, grand champion national de la colocation estudantine. Premier constat, les prix sont plus raisonnables : compter 100-150 euros par semaine. Ça m'va. Deuxième constat, les environs de ma fac ne se démarquent pas par leur densité d'annonces. Bon, on va y aller avec ordre et méthode : on n'accepte pas les colocs seule avec les vieux messieurs de 55 ans (peut-être charmants, hein, mais j'préfère pas prendre de risque :D ), on n'accepte pas les colocs qui veulent que je dégage fin novembre (fin de l'année scolaire ici), on n'accepte pas les colocs qui sont à 20 minutes de bus (j'ai dit que j'trouvais chouette d'être à côté de la fac, c'est pas pour m'exiler au bout du monde).

Ce tri effectué, il reste 6 ou 7 annonces. Bon, ben on prend sa plus belle plume d'étudiante-française-qui-cuisine-et-qui-payera-les-loyers-à-l'heure, et on attend patiemment les réponses. En attendant, on peut aller tromper l'ennui en allant voir sur d'autres sites : j'ai trouvé une petite chambre qui avait l'air sympa et pas chère pour laquelle j'ai envoyé un mail, et un autre truc pas mal où j'ai envoyé un sms. Pour apprendre plus tard que les sms français n'arrivent jamais sur les portables kiwis, pour une raison encore inconnue (sans doute un relent de l'affaire du Rainbow Warrior) : tant pis !

Sur ce vaste coup de filet, j'ai attrapé 2 poissons. D'abord, une réponse sur EasyRoommate (je ne remettrai pas le lien, t'façon il sert à rien), d'un jeune homme charmant (qui s'appelle Laurence, du coup j'ai commencé par le prendre pour une gonzesse), qui me propose de passer-si-j'veux-voir. J'réponds que c'est à peu près quand il veut, puisque j'ai pas un emploi du temps trop plein. Il me propose de passer mercredi soir, soit. Le mercredi, je reçois une réponse au mail que j'avais envoyé sur un autre site, et qui me demande si je suis toujours intéressée. Le temps de resituer l'annonce, je réponds que oui oui, je suis intéressée, et que j'peux passer-quand-vous-voulez-jeudi-par-exemple. On me propose de passer sur les coups de 18h-c'est-la-première-maison-après-la-garderie, j'accepte.

Le mercredi soir, je passe à l'heure dite chez Laurence. Il habite dans une impasse avec 4 maisons qui portent le même numéro, avec des bis, des A et des B pour différencier, et forcément je me plante. Je toque chez un papi charmant qui m'informe du fait que les étudiants, c'est la maison d'à côté. Je m'excuse platement, et vais voir à la maison d'à côté. Personne, à part un chien qui aboie tout ce qu'il peut. Bon, ça commence bien. Je commence à attendre un peu, la pluie s'invite et je décide de rentrer, et j'envoie un mail courtois mais glacial sur le thème de "mététéoù bordel c'est pas cool en plus on caille dans ton pays de merde là sous la pluie".

Le jeudi matin, Laurence me répond, s'excuse platement et me propose de passer-ce-soir-promis-j'y-suis. OK, mais pas avant 19h, à 18h j'ai un rendez-vous.

18h15, après avoir fait le tour du pâté de maisons d'à côté sans trouver la maison que je cherchais (c'est assez logique, quand on y réfléchit. Mais c'était quand même un grand pâté de maison, donc j'ai bien eu 15 minutes de retard), je me pointe au lieu de rendez-vous. Là, c'est le moment où on se dit qu'il y a parfois un mauvais scénariste aux commandes de sa vie. Voyez plutôt la scène :

Cécile arrive, entre dans le jardin d'un air peu assuré, la maison a l'air vide. Au moment où elle s'apprête à faire demi-tour, penaude, une voiture entre dans le jardin.
"Can I help you ? You're looking for something ?"
"Heeuu yes, I'm looking for a flatshare, normally it's here..."
"A what ?"
"A flatshare..."
"No, there is no Fletcher here"
"I'm not on the 9, Haynes Avenue ?"
"Yes it's here ! But there is no Fletcher here, maybe you're looking for Melissa ? But I don't know wether she's here or not..."
"Yes, normally she told me she should be here"
"OK, come in. Where do you come from ?"
"France"
"Oh ben on peut parler français alors. Laissez vos chaussures à l'entrée, vous cherchiez quoi ?"
Et là, on réalise qu'à cause de ma fréquentation intensive de kiwis ces derniers temps, je commence à prendre leurs sales habitudes de prononciation. A moins que je ne sache tout simplement pas prononcer le mot "flatshare", colocation, ce qui expliquerait pourquoi la dame a compris "Fletcher". Quiproquo du jour, bonjour, ça aura au moins eu le mérite de bien nous faire rigoler

Bref, dans tous les cas, j'entre dans un salon-salle-à-manger-cuisine-américaine plus que sympathique, on me propose une tasse de thé, et on commence à discuter, installées sur les canapés extraordinairement confortables (rachetés de seconde main à un homme qui les avait importés d'Afrique du Sud, paraît-il) au coin du poêle. Rétrospectivement, d'à peu près tout sauf de la chambre, du coup après m'avoir expliqué qu'elles parlaient toutes deux français, anglais et chinois, parce qu'elles avaient vécu en Dordogne, en Ecosse, en Chine et en Nouvelle-Zélande, qu'elles étaient mère et fille, actuellement toutes les deux à l'Université de Canterbury pour apprendre l'une le chinois (la mère, parce qu'elle n'a aucun papier qui le prouve, et que quitte à ne rien faire, autant faire quelque chose qui valide des acquis et qui permet d'être près de sa fille), l'autre la gestion des réseaux naturels (discipline à l'intersection de la géologie, de l'hydrologie et des sciences de l'environnement) tandis que le père est en Chine pour bosser et le frère aux USA pour étudier, de l'accent horrible des kiwis, des choses à voir en Nouvelle-Zélande, du caractère étrange du chat, des bizarreries comparées de l'anglais et du français, de l'hilarité que provoque un américain parlant français avec un accent québécois en France, du caractère pléonasmien de "essayer de chercher quelqu'un sur FaceBook" et de Programmation Neuro-Linguistique, la maman a fini par demander à sa fille de me montrer le reste de la maison. Qui est petite, mais coquette aussi, avec une chambre tout à fait convenable (bien que pour l'instant utilisée comme bureau-débarras-rangement, donc sans lit — mais un lit d'occasion coûte à peine $100 ici, et on m'a proposé d'aller le chercher où je le trouverai avec la voiture familiale et la remorque) et très lumineuse.

Cette formalité expédiée, on a continué à discuter une bonne partie de la soirée, tantôt en anglais, tantôt en français, les unes corrigeant l'autre et réciproquement suivant la langue utilisée, tant et si bien qu'à 9h j'ai été invitée à manger "Because you must be sooo hungry now !". J'ai donc mangé avec elles, en pouffant régulièrement parce que la maman prenait un malin plaisir à faire des imitations très réussies d'accents plus régionaux et paysans les uns que les autres, et a même terminé le repas sur un "On a bien mangé, on a bien bu, merci petit Jésus !" que je n'aurais ja-mais cru pouvoir entendre en Nouvelle-Zélande. Elles m'ont aussi demandé ce que j'aimais bien faire comme activité, j'ai répondu que de manière générale j'étais pas super sportive, mais que j'adorais le ski et la mer, et que j'aimais bien me balader même si je mettais 50% de temps de plus que les prévisions pour faire les marches. Elles m'ont répondu qu'il y avait un chouette club de tramping à la fac qui organisait des marches "pour vraiment tous les niveaux", et qu'il y aurait sûrement d'autres sorties au ski d'ici la fin de la saison, et qu'elles se faisaient une joie de m'introduire auprès de toutes les personnes qui pourraient me permettre de faire les activités que je voulais.

Bref. J'ai posé une seule condition : qu'on me parle en anglais, et qu'on corrige mes fautes quand je parle anglais. Elles ont eu une seule condition : qu'on parle français un soir par semaine pour dérouiller le leur.

Je prends la chambre, et j'emménage dès que possible.

Epilogue : Du coup, j'ai pas pu aller voir la maison de Laurence. J'ai donc dû prendre ma plume la plus diplomate pour dire que "ah ben en fait non c'est bon j'ai plus besoin..." ^

4 commentaires:

Llyann a dit…

J'adore, j'adore, j'adore !!!

isie a dit…

Ha ha!! T'es foutue, tu franglise déjà :) (non non non, on ne t'introduit pas auprès de toutes les personnes intéressantes... on te présente!!)

Billie a dit…

Envie de te faire introduire ? (Pardon, ce mot me fait rire, oui je sais, je peux sortir avec mon esprit mal tourné)

C'est super cette rencontre :)

apaP a dit…

Tu racontes bien, gamine ! :)